Pourquoi j’ai supprimé mon compte LinkedIn
Devriez-vous en faire de même ? Une réflexion sourcée qui pourrait vous aiguiller.

Récemment, j’ai supprimé mon compte LinkedIn, et je voudrais expliquer pourquoi (car j'estime que cela pourrait vous être utile). En quelques années, ce réseau social est devenu à mes yeux toxique et inutile, en grande partie à cause de l’invasion du contenu généré par l’IA et du copier-coller massif.
Dans cet article, j’expose les raisons de cette décision, chiffres à l’appui, pour illustrer comment l’essor des outils d’intelligence artificielle a transformé LinkedIn en une plateforme déshumanisée où l’authenticité se fait rare.
Bien sûr, les autres réseaux sociaux sont eux aussi infestés par l’IA. Mais comme ils (Facebook, Instagram, TikTok, etc.) sont avant tout des terrains de jeu pour le divertissement, le problème y est moins grave. Que l’authenticité disparaisse dans un feed rempli de chorégraphies de danse ou de mèmes, passe encore. Mais sur LinkedIn, un réseau censé être professionnel, sérieux, humain ? Là, c’est une autre histoire.
Raison 1 : explosion du contenu généré par IA
Il est impossible de ne pas remarquer l’omniprésence de contenus au ton artificiel sur son fil LinkedIn. Ce n’est pas une impression subjective : la plateforme elle-même a largement embrassé les outils d’écriture assistée par IA. LinkedIn propose désormais à ses abonnés Premium anglophones des fonctionnalités intégrées pour « réécrire » automatiquement leurs posts, profils ou messages privés.

Le résultat ne s’est pas fait attendre : plus de 54% des posts longs en anglais publiés sur LinkedIn sont probablement générés par de l’intelligence artificielle. Autrement dit, plus d’une publication sur deux n’est plus écrite réellement par son auteur humain.
Les données sont tout aussi éloquentes en France. Selon une étude de l’agence Influence Metrics, 61% des posts LinkedIn rédigés en français montrent des signes d’utilisation d’outils d’IA dans leur écriture. Cette statistique confirme que la majorité du contenu LinkedIn est désormais produit ou optimisé par des robots, et non plus par l’inspiration authentique des utilisateurs.
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L’essor de ChatGPT fin 2022 a été un véritable catalyseur : la proportion de contenus générés automatiquement a bondi de +189% dès le tout début de 2023 sur LinkedIn. Depuis, le phénomène s’est stabilisé à un niveau élevé, constituant une “nouvelle norme” où plus de la moitié des posts sont issus de l’IA.
Cette déferlante de textes générés par IA menace directement l’authenticité des échanges professionnels sur la plateforme. Les outils comme ChatGPT facilitent la production de longs blocs de texte bien formatés en quelques secondes, là où un humain aurait mis des dizaines de minutes ou des heures. D’ailleurs, on observe que la longueur moyenne des posts a plus que doublé (+107%) depuis l’arrivée des LLM grand public – signe que beaucoup de gens publient désormais de véritables pavés générés ou étoffés par machine.

Certes, cela permet de publier plus fréquemment et plus facilement, mais le revers de la médaille est une horrible standardisation des contenus. En privilégiant des formulations génériques et des données superficielles, l’IA produit des textes souvent creux, qui sonnent informatifs en apparence mais sans substance réelle. Quand plus de la moitié des publications proviennent d’une même moulinette algorithmique, on perd fatalement en diversité de ton, d’idées et de personnalité.
Raison 2 : la banalisation du copier-coller viral
Même avant l’ère de l’IA, LinkedIn souffrait déjà d’un problème de plagiat et de reposts à grande échelle. Pour beaucoup d’utilisateurs en quête de visibilité, il était tentant de recopier à la lettre une histoire inspirante ou un thread viral plutôt que de partager l’original ou de créer son propre contenu. Aujourd’hui, avec la facilité qu’offrent les outils d’IA, ce travers s’est aggravé : en plus d'un fil d’actualité saturé de contenus clonés, la créativité est en berne.
On a pu le constater à de multiples reprises, où un même récit (souvent très émotionnel ou “inspirant”) est reposté par des dizaines de personnes différentes, comme si par coïncidence tous avaient vécu la même anecdote extraordinaire. Un article d'UX Collective parlait déjà en 2020 d’un LinkedIn « inondé de contenus copiés-collés » au point que « cela [était] devenu comme une épidémie ».
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Plusieurs facteurs encouragent ce copier-coller généralisé. D’abord, la course aux likes et aux commentaires incite à poster du contenu qui attire l’attention, quitte à s’approprier celui des autres. Ensuite – et c’est un aspect souvent mentionné – l’algorithme LinkedIn favorise largement les posts « originaux » par rapport aux partages.
Autrement dit, utiliser le bouton « Partager » (qui crédite l’auteur initial) donne moins de portée qu’un post créé de toutes pièces. Ce biais pousse de nombreux utilisateurs à republier à leur compte un texte ou une image populaire, plutôt que de le repartager honnêtement, afin de récolter eux-mêmes l’engagement. Et ce, souvent dans le simple but d'élargir leur audience à des fins professionnelles ou de notoriété. Autrement dit, sur LinkedIn, il y aussi un véritable appât du gain financier (ou d'influence pro) derrière cette frénésie.
Résultat : le réseau social se retrouve rempli de doublons de basse qualité. Pourtant, la direction de LinkedIn affirme disposer de « défenses robustes » pour identifier et limiter la diffusion de contenus dupliqués ou de faible qualité. Dans les faits cependant, il suffit de parcourir son fil pour voir qu’une foule de posts copiés circulent librement, rendant l’expérience redondante et frustrante.
Raison 3 : des commentaires rédigés par des robots ; un « dialogue » absurde
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Il n’y a pas que les publications principales qui sont écrites par des IA – les commentaires le sont aussi de plus en plus. On assiste à des scènes presque surréalistes où, sous un post déjà généré par IA, s’alignent des dizaines de commentaires qui sonnent faux, du type « Excellent post, merci du partage ! » ou « Bravo pour ce succès inspirant 👏 ». Cette uniformité béate n’a rien d’un hasard : un véritable marché d’outils IA s’est développé pour automatiser l’engagement sur LinkedIn, que ce soit pour générer des textes de publications ou des commentaires flatteurs.
Des extensions de navigateur proposent en un clic de pondre un commentaire bien tourné pour féliciter un contact de sa promotion, sans que l’utilisateur ait à trouver lui-même les mots. Comme le décrit un article de Wired, « au lieu de passer quatre minutes à peaufiner le ton juste pour féliciter un ex-collègue, cela prend désormais quatre secondes pour invoquer un compliment généré par algorithme ». Il suffit d’un clic pour qu’une IA vous produise une réponse passe-partout, avec le ton enthousiaste calibré qu’affectionne le réseau.
Le résultat, c’est que les fils de discussion sur LinkedIn ressemblent de plus en plus à des conversations entre robots. Loin d’un échange sincère entre professionnels, on se retrouve avec un flux semi-automatique de flatteries génériques.

Ce phénomène rend les interactions non seulement artificielles, mais aussi trompeuses : on croit lire l’avis de pairs bienveillants, alors qu’il s’agit peut-être juste d’un texte généré pour doper le reach. Il est d’ailleurs frappant de constater que peu de gens s’en offusquent ouvertement.
Dans l’analyse d’Influence Metrics, il est constaté que « peu de personnes critiquent les contenus produits avec l’IA », signe que cette pratique s’est banalisée au point de passer sous le radar. On tolère même les banalités polies et superficielles, au nom du « personal branding » ou du maintien d’une ambiance positive.
Un réseau social déshumanisé et sans intérêt réel
Au final, ce que je reproche à LinkedIn, c’est d’avoir perdu ce qui faisait (à mon sens) son intérêt et sa raison d’être : l’humain et sa valeur ajoutée professionnelle.
À présent, lorsque je fais défiler mon fil d’actualité, j’ai l’impression de lire en boucle des textes sans âme écrits par des machines, des histoires recyclées pour la énième fois et des compliments de façade postés à la chaîne. La plateforme est devenue une sorte de chambre d’écho de banalités où chacun publie pour être vu plutôt que pour partager quelque chose de sincère ou d’utile.
Même la « positive attitude » outrancière qui règne dans ces posts m’apparaît toxique, car elle sonne creux et artificielle. Comme l’exprime un commentateur, ce déferlement de posts lisses et de bonne humeur forcée aboutit à « l’absence de communication sincère » sur le réseau. En d’autres termes, LinkedIn est envahi par l’artificiel au point de perdre toute chaleur humaine, ce qui pour moi le rend toxique (par son manque de sincérité) et inutile (faute de contenu véridiquement enrichissant).
En résumé, LinkedIn aujourd'hui c'est :
- Plus d’une publication sur deux écrite par des robots. L’IA génère déjà plus de la moitié des posts (54% globalement, ~61% en France), au détriment des idées originales. Et ces chiffres ne font que croitre.
- Une prolifération de posts clonés par copier-coller. Des histoires virales sont reproduites à l’identique par des dizaines de membres, transformant le fil en écho monotone d’un même contenu recyclé.
- Des commentaires automatisés à grande échelle. Grâce à des outils dédiés, les échanges sont truffés de réactions génériques rédigées par IA, ce qui rend les discussions creuses et factices.
- Une baisse drastique de l’authenticité et de la valeur des échanges. L’information diffusée privilégie les généralités superficielles au détriment de sources fiables ou d’insights concrets, ce qui fragilise la valeur ajoutée des contenus. Le volume augmente, mais la qualité et la sincérité s’effondrent.
La fin
Pour toutes ces raisons, j’ai estimé que continuer à être présent sur LinkedIn n’avait plus de sens. Le temps que j’y passais n’apportait plus ni apprentissage, ni connexion réelle – dans un défilé d’auto-promotion robotisée et de conversations stériles. Plutôt que de cautionner malgré moi cette dérive, j’ai préféré tout simplement fermer mon compte.
C’est une décision personnelle, certes, mais qui illustre un malaise plus large : à l’ère des contenus générés par l’IA en masse, on peut légitimement se demander ce qu’il reste de social (et a fortiori de professionnel) à ce réseau social.
En ce qui me concerne, LinkedIn a perdu son âme, et en le quittant, je ne pense pas rater grand-chose d’utile. Je choisis d’investir mon énergie ailleurs, dans des espaces où les échanges sont encore portés par de vraies personnes avec de vraies idées.
Et les autres plateformes ?
Oui, elles aussi sont envahies par l’IA. Mais la principale différence, c’est que je ne les ai jamais perçues comme des lieux d’échange authentiques. Facebook, Instagram, TikTok… ce sont des parcs d’attractions numériques. Le faux y a toujours régné, bien avant ChatGPT. L’IA n’y a pas volé grand-chose, elle n’a fait que pousser le curseur du simulacre un cran plus loin.
Sur LinkedIn en revanche, c’est dramatique : la plateforme se voulait “professionnelle”, sérieuse, humaine. Aujourd’hui, c’est un open space peuplé de bots polis qui font de la lèche B2B. Et ça, c’est vraiment effrayant.